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Photo du rédacteurMarc Joly

L'amour managérial : une approche délicate et sujette à réflexion

Le thème de l'amour envers ses collaborateurs est fréquemment abordé sur les réseaux sociaux, avec de nombreux articles et conseils qui vantent les mérites du "management bienveillant", du rôle du "manager coach" ou encore du "manager leader". Bien que ces approches reposent sur l'idée "d'aimer ses collaborateurs", il est évident que cette notion demeure floue et sujette à interprétation. En effet, l'amour est une question philosophique complexe qui peut être comprise de différentes manières selon le contexte et les valeurs personnelles de chacun.

Malgré cela, tentons de définir de manière générale l'amour comme "un mouvement du cœur qui nous pousse vers un être, un objet ou une valeur universelle".



 

L'amour se manifeste à divers degrés. Nous pouvons aimer le chocolat et la personne qui partage notre vie, cependant, l'absence de chocolat dans nos placards ne génère pas le même sentiment de manque que celui ressenti lorsque nous sommes séparés de l'être aimé.

Concernant le management, concentrons-nous sur l'amour en relation avec les individus, et distinguons deux types de relations : "l'amour bienveillant, altruiste ou compassionnel", caractérisé par une sincère préoccupation pour le bien-être et le bonheur de l'autre personne, et "l'amour concupiscent, passionnel ou amoureux", souvent lié à l'attirance sexuelle et au désir romantique. Ce dernier est généralement motivé par des émotions intenses et des désirs sensuels envers une personne spécifique. Bien entendu, ces deux formes d'amour ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent coexister dans une relation saine et durable.


 

Il est évident que "l'amour concupiscent" n'a pas sa place dans une relation "manager/managé". Par conséquent, c'est "l'amour bienveillant" qui devrait théoriquement s'exprimer dans ce type de relation, et nous l'appellerons pour des raisons pratiques "l'amour managérial".

Cependant, malgré l'apparente positivité et noblesse du concept "d'amour managérial", nous restons perplexes quant à sa réalité. Nous avons observé plusieurs points critiques au cours de nos différentes expériences d'accompagnement.

Tout d'abord, la manipulation émotionnelle : certains managers exploitent les émotions de leurs collaborateurs en jouant sur leur besoin de reconnaissance et d'affection, créant des attentes émotionnelles élevées, basées sur des récompenses, la notoriété, l'exemplarité, la flatterie, voire la flagornerie. Les employés se sentent obligés de répondre à ces attentes émotionnelles excessives, ce qui génère un environnement de travail stressant et préjudiciable à leur santé mentale.

Ensuite, il y a l'exploitation des vulnérabilités : lorsque les employés sont encouragés à exprimer leurs émotions et leurs vulnérabilités, certains managers peuvent en profiter pour obtenir des informations confidentielles, ce qui leur permet d'exercer un pouvoir ou un contrôle sur les employés. Cela crée un déséquilibre dans la relation et conduit à l'exploitation abusive de la confiance accordée par les employés.


 

Par ailleurs, certains managers confondent "bienveillance" et "complaisance", favorisant ainsi le développement d'une culture de la médiocrité. En ne sanctionnant pas la sous-performance et en ne récompensant pas la surperformance, les salariés se désengagent, cessent de collaborer et considèrent l'entreprise comme une entité qui leur "doit" quelque chose. Cette approche affaiblit la notion de contrepartie inhérente au contrat de travail, entraînant une grande incompréhension des droits et des devoirs de l'entreprise, des managers et des employés.

Il est donc évident que la notion "d’amour managérial" est complexe et nécessite une réflexion approfondie, ainsi que des pratiques éthiques et transparentes pour éviter toute forme d'exploitation des employés et de déperdition des managers.

Avant de s'engager dans la fonction managériale, tout futur manager et les représentants de l'entreprise devraient prendre en compte les responsabilités qui leur incombent et leur impact sur l'équilibre psychologique du manager et des équipes. Cette réflexion ne doit pas uniquement porter sur les aspects matériels tels que les augmentations de salaire, la position sociale ou les objectifs, mais également sur les relations interpersonnelles, le contexte et les valeurs de l'entreprise, le comportement de l'équipe, de la ligne hiérarchique et du Comité de direction. L'entreprise a-t-elle adopté une politique managériale basée sur ses valeurs, et ces valeurs sont-elles déjà incarnées par la ligne managériale en place ? Souvent, la réponse est non ou seulement partielle. Toutefois, ces lacunes peuvent être corrigées grâce à l'engagement de l'entreprise et des managers dans des actions préventives et correctives.


 

Il est donc primordial de comprendre, en premier lieu, les ressentis positifs et négatifs qui animent le "manager", ainsi que les compétences ou qualités personnelles impactées par le fait de manager. En fin de compte, cela nécessite une connaissance de soi pour comprendre qui nous sommes, ce qui nous influence, ce qui agit sur nos émotions et nous pousse à réagir dans un contexte professionnel en perpétuelle évolution.

En comprenant son fonctionnement psychologique, le "manager" et l'entreprise pourront envisager de répondre aux attentes et besoins de leurs collaborateurs, en faisant un choix éclairé pour adopter une approche basée sur "l'amour managérial". Cette approche, orientée vers la bienveillance et le respect mutuel, contribuera à créer un environnement de travail favorable et épanouissant pour tous les acteurs de l'entreprise.


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